A son retour à Paris, Cernuschi trouve l’occasion de montrer sa collection aux amateurs en prêtant sa collection à l’Exposition orientale, pendant qu’il fait dessiner et bâtir l’hôtel particulier de l’avenue Vélasquez destiné à accueillir ses collections.

La façade fut conçue comme un manifeste des idéaux de Henri Cernuschi : deux médaillons en mosaïque figurant les portraits de Léonard de Vinci et Aristote, allégorie de l’art et de la science, surplombent l’entrée du musée.

Le portail de style florentin porte deux inscriptions, « février » et « septembre », références à deux événements importants pour Henri Cernuschi : la chute des Bourbon en 1848 et celle des Bonaparte en septembre 1870, après la défaite de Sedan.

La théâtralité est un des principes du décor de l’hôtel particulier.
A l’entrée du musée (ouvert aux visiteurs dès 1875), dans l’escalier principal, au premier étage, une tapisserie de la Renaissance italienne côtoyait un textile brodé Les Sept sages de la Forêt de Bambous, pendant qu’au deuxième étage, une tapisserie de la Descente de la Croix évoquait un nehan-zu (peinture représentant l’Extinction du Bouddha, Parinirvana).
De la vaisselle rituelle chinoise faisait face à des bronzes et okimono dans la galerie des bronzes où les Bouddhas, divinités et animaux ressemblaient étrangement à la composition du nehan-zu acquise par le collectionneur au Japon.
Les svastikas bouddhistes des papiers peints rappelaient le motif grec du sol du rez-de-chaussée.

L’hôtel particulier avait été construit autour d’une grande salle centrale au cœur de laquelle se dressait la statue en bronze du Bouddha Amida haute de 4,5 mètres.
Une galerie était ornée d’un grand relief aux dragons volant parmi les nuages, fronton de temple japonais qui formait une balustrade derrière le bouddha. La largeur de la pièce avait été calculée pour accueillir ce grand relief de 13 mètres.

La présentation des œuvres de la salle des bronzes était une œuvre d’art en elle-même, et reposait sur la confrontation et le dialogue des objets.

Salle du Bouddha (ancienne présentation)

Selon Henri Cernuschi, l’art était une sorte de langage, un lien entre les hommes. Et le fait que des formes ou symboles identiques puissent apparaître dans des civilisations distantes était le signe d’une origine commune, d’une transmission d’un continent à l’autre, et la preuve que les sociétés avaient traversé des étapes identiques de développement.

Après une visite de l’hôtel particulier, Louis Emile Edmond Duranty (1833 – 1880) écrivit (dans « La Collection Cernuschi », La Vie moderne, 1er mai 1880) que les fauteuils de Canton mélangés au style grec des colonnes donnaient l’impression d’entrer dans la demeure d’un « Mandarin grec ». Mais « qu’aussi curieuse qu’ait pu paraitre cette association à première vue, cela n’était pas aussi étrange en fait ».
Henri Cernuschi voulait être considéré comme un homme traversant les frontières, toujours dans l’entre-deux.