Femme à la rose

Hàm, Nghi, né en 1871 à Hué, décédé en 1944 à El Biar

En 1926
Plâtre
Statuette
Signé 春子 et daté 1926
Don manuel

M.C. 2020-28

Hàm Nghi est le huitième empereur de la dynastie des Nguyễn. Il régnait depuis moins d’un an lorsqu’il fut contraint à fuir la cour en juillet 1885 sous l’assaut des troupes françaises. L’insurrection du côté de l’empire d’Annam avait été menée par les régents Tôn Thất Thuyết et Nguyễn Văn Tường qui détenaient réellement le pouvoir. Tôn Thất Thuyết emmena le jeune empereur Hàm Nghi, âgé alors de quatorze ans, se cacher dans les confins du pays. Il l’érigea en figure de la résistance contre l’occupation française, image qui lui reste encore attachée aujourd’hui dans la mémoire des Vietnamiens. Après trois ans et demi d’une vie difficile, à l’âge de dix-sept ans, l’empereur déchu est capturé par les Français. Il est alors exilé à Alger et ne reverra plus jamais son pays natal.

À Alger, il bénéficie d’une pension du gouvernement et mène une vie confortable, tout en étant étroitement surveillé. Il apprend le français et s’adonne à la lecture, au dessin et à la peinture. Il est autorisé ponctuellement à se rendre en métropole où il visite les salons et les galeries d’art. Très proche de Judith Gauthier, il admire aussi Rodin auprès duquel il prendra des leçons de sculpture.

Malgré le peu de pièces subsistantes, la filiation technique et stylistique des œuvres de Hàm Nghi avec celles de Rodin est manifeste. Cette figure féminine, signée "春子", « Fils du printemps » et datée de 1926, en est un exemple. Hàm Nghi modelait son œuvre en terre puis fabriquait un moule pour en tirer une épreuve en plâtre. Cette épreuve se révèle creuse, le plâtre ayant été coulé le long des parois du moule. La jambe droite et le bras gauche ont été moulés à part et rapportés, selon l'usage pour les éléments déportés du tronc. Le pouce gauche manque et laisse visible le trou du tenon par lequel il était fixé à la main. La main droite tient du bout des doigts une rose. Les résidus jaunes d'un agent de démoulage indiquent qu'un moule réfractaire a été réalisé à partir de ce plâtre, en vue d'un tirage en bronze. La justesse anatomique de cette sculpture renvoie à la leçon de Rodin, de même que la position multipliant les points de vue, invitant le spectateur à tourner autour de la pièce pour en saisir tous les aspects.

Référence(s) : Anne Fort, Hàm Nghi, prince d'Annam (1871-1944) : L'art en exil, Milan, Silvana Editoriale, 2022, p. 55