Du 4 octobre 2022 au 8 janvier 2023, le musée Cernuschi vous propose une immersion dans le monde d'Akeji Sumiyoshi (1938-2018), artiste calligraphe japonais en fusion avec la nature.

Nous sommes heureux de vous annoncer que l'accrochage sera prolongé jusqu'au 29 janvier 2023 !

 

Salle Peinture
Section 14 du musée Cernuschi
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris

Accès gratuit dans les collections permanentes

Événement autour de l'accrochage :
Projections du documentaire "Akeji, Le souffle de la montagne" (plus d'informations en bas de page).

Akeji Sumiyoshi (1938-2018)

Né en 1938 à Kyōto, Akeji est élevé par l’un de ses grands-pères, qui vivait sur un massif au nord de l’ancienne capitale. Maître en arts martiaux et adepte du shintō, le vieil homme lui apprend dès son plus jeune âge des pratiques chamaniques ancestrales et l’initie au maniement du sabre. Il le sensibilise également à l’art du pinceau et à la voie du thé. Lors de son adolescence, Akeji pérégrine de sanctuaires shintō en monastères bouddhistes, ce qui lui permet de se familiariser avec la pharmacopée traditionnelle. Il s’inscrit ensuite à l’Université de Kyōto pour étudier le droit et poursuit ses études en chimie et sciences naturelles à l’Université de Shimane. Jeune diplômé, Akeji rejoint un groupe de réflexion réuni à la demande du premier ministre de l’époque, Hatoyama Ichirō. De retour d’un séjour d’un an en France, il quitte la vie politique et se marie.

Quelques années plus tard, en 1969, à l’âge de 31 ans, Akeji décide avec son épouse Asako d’aller vivre dans la vallée de Himuro, aux flancs du mont Kuramayama, dans un refuge forestier qui devient leur ermitage pendant près de cinquante ans. Leur quotidien est fait de prières pour évoquer les esprits de la forêt, de cérémonies du thé ainsi que de cueillettes. Retourné sur les lieux de son enfance, Akeji mène une vie hors du temps, se consacrant à la calligraphie dans un dialogue constant avec la nature, qu’il n’a jamais cessé de vénérer. Suivant le rythme des saisons, le calligraphe va recueillir graines, fruits, fleurs, écorces et racines. Il en extrait la matière tinctoriale par dessiccation, broyage, combustion ou fermentation, à l’aide de procédés traditionnels. Ne possédant pas d’atelier, il réalise ses œuvres dans la forêt.

Comme beaucoup de calligraphes, Akeji fabrique lui-même ses pinceaux se servant de poils de différents animaux : cheval, sanglier, cerf, blaireau, renard. Quant aux supports, il se procure les papiers auprès d’artisans souvent élevés au rang de « Trésor national vivant ».

Tracés à l’aide d’un geste immédiat, les caractères archaïques, souvent difficiles à identifier, prennent des formes insaisissables évoquant l’impermanence des choses (mono no aware). Des correspondances secrètes, intimes, entre les signes calligraphiés et les végétaux d’où Akeji a extrait les colorants habitent ses créations, les animant d’un rythme primordial et d’un sens profond, qui révèlent l’essence animiste de son travail.

L’Énergie au bout du pinceau

Depuis l’antiquité, lors de l’édification d’un bâtiment ou d’un pont, il était essentiel d’attirer la bienveillance des divinités (kami) et de s’en assurer la protection afin d’achever la construction. Comme évoqué dans les Chroniques du Japon (Nihon shoki) rédigées en 760, des personnes vivantes étaient enterrées sous les fondations. D’après les croyances populaires, ces sacrifices humains connus sous le nom de hitobashira permettaient d’éviter des catastrophes naturelles, notamment des inondations.

À partir du Ve siècle au Japon, il était coutume de désigner chaque heure de la journée et de la nuit en se basant sur l'astrologie chinoise. L'heure du bœuf, qui se situe entre une heure et trois heures du matin était considérée comme le moment le plus propice à la réalisation d’une malédiction, pratiquée à l’aide d’une poupée en paille (wara ningyō) aux traits humains. Le rituel consistait notamment à clouer la poupée sur le tronc d’un arbre près d’un temple sacré. Si toutes les étapes étaient effectuées correctement, le maléfice pouvait atteindre son but de nuire à la victime. Cependant, être témoin de la pratique était supposé annuler le sortilège. Le sanctuaire Kibune à Kyōto est fortement associé à ce rituel.

À partir de l’époque Heian (794-1185), Okina est considéré comme un vénérable vieillard qui n’appartient plus au monde des humains, étant proche des divinités. Ces dernières ne dédaignent pas de se déguiser en Okina d’après le Konjaku monogatari shū, un recueil d’anecdotes de la fin de la période Heian. Du début de la même époque, le Conte du coupeur de bambous (Taketori monogatari) met en scène un vieux coupeur de bambous appelé Okina, qui découvre dans un bambou un enfant d’une beauté exceptionnelle prétendant venir de la lune.

Plus tard, Konparu Zenchiku (1405-1468), acteur du théâtre nō et directeur de la compagnie Konparu, centre son œuvre phare (Meishuku shū, 1465) sur la figure d’Okina, qu’il estime comme la divinité gardienne de sa troupe. Selon le dramaturge, les acteurs de sa compagnie sont les meilleurs interprètes de la pièce Shikisanba, rituel de purification, où les danseurs portent le masque d’Okina. Ce drame dansé, aujourd’hui connu aussi sous le titre d’Okina, est joué à des occasions spéciales telles que le jour du Nouvel an, étant censé perpétuer la paix sur terre.

Nombreuses théories expliquent l’étymologie du mot composé par les deux caractères calligraphiés ici. D’après Les Mémoires du grand historien (Shiji, rédigées entre 109 et 91 avant J.-C.), le premier idéogramme, dont la lecture chinoise est « chi », indiquerait une divinité de la montagne ayant pris la forme d'un tigre. Quant au second (« mi »), il ferait référence à un esprit des marécages à la tête de bête. Au Japon, le Wamyō ruijushō (compilé entre 934 et 938), l’un des dictionnaires les plus anciens, considère ces deux créatures comme des démons (oni), dont le nom est prononcé sudama. Le papier employé pour cette calligraphie a été réalisé par Iwano Ichibei VIII (1901-1976), maître artisan élevé au rang de « Trésor national vivant ».

L’un des gardiens que la cosmologie chinoise place aux quatre orients (shishin) avec le dragon bleu (seiryū), l’oiseau vermillon (suzaku) et la tortue noire (genbu), le tigre blanc est associé à l’ouest, à l’automne et au métal. Dans le Japon ancien, un site était considéré comme propice s’il était en accord avec ces quatre divinités protectrices des points cardinaux. En particulier, le tigre blanc, symbole de force et de grand courage, possédait divers pouvoirs tels que conjurer le mal, éviter les catastrophes et chasser les esprits maléfiques. C’est pourquoi des sculptures représentant cet animal sacré étaient souvent présentées dans l’enceinte des sanctuaires.

Le Recueil des faits anciens (Kojiki, compilé en 712) et les Chroniques du Japon (Nihon shoki, rédigées en 760) évoquent le mythe d’Umisachihiko et Yamasachihiko. Le premier, dieu de la mer, aurait accordé au second, dieu des montagnes, plusieurs actes divins, comme le kazaoki, autrement dit usobuku. Ces mots expriment le geste de souffler avec la bouche pincée et désignent le pouvoir de la divinité de faire lever le vent avec son souffle. Dans le mythe, Yamasachihiko, avec l'aide des esprits de la mer, a utilisé la technique du kazaoki pour créer les vents du large et de la plage et repousser son frère aîné cruel.

 

Événement autour de l'accrochage :

© Akeji, le Souffle de la montagne de Mélanie Schaan et Corentin Leconte .Mille et Une. Films

 

Projection du documentaire Akeji, Le souffle de la montagne「アケジ、山に棲む」

Au plus profond des montagnes, Akeji et Asako vivent à l’écart du monde. Parmi les animaux et les esprits de la nature, la vie s’écoule hors du temps. Artiste de renom, Maître Akeji descend d’une lignée de samouraïs, initié à la Voie du thé, du sabre et de la calligraphie. Cette immersion dans le monde d’un artiste en fusion avec la nature nous interroge sur nos manières d’être au monde.

> Samedi 15 octobre 2022 à 15h : Projection-discussion à la Maison de la culture du Japon à Paris

La projection du documentaire sera suivie d’une discussion avec les réalisateurs Mélanie Schaan et Corentin Leconte, et Manuela Moscatiello, responsable des collections japonaises au musée Cernuschi.

Durée : 1h45. Film présenté en VOSTF. Discussion en français.

Entrée libre sur réservation à partir du 15 septembre (www.mcjp.fr).

Samedi 19 novembre 2022 à 15h30 : Projection dans l'auditorium du musée Cernuschi

Durée : 72 min. Film présenté en VOSTF.

Gratuit, sans réservation, accès libre dans la limite des places disponibles.

> Samedi 7 janvier 2023 à 15h30 : Projection dans l'auditorium du musée Cernuschi

Durée : 72 min. Film présenté en VOSTF.

Gratuit, sur réservation à cernuschi.reservation@paris.fr

 

Coorganisation :

.Mille et Une. Films

Maison de la culture du Japon

Espace presse

Discover