Cet été, le musée Cernuschi poursuit son activité de valorisation de l’art coréen et de sa diversité. L’accrochage Le noir et la matière : Monochromes coréens est ainsi consacré à la présentation d’acquisitions récentes d’œuvres réalisées par quatre artistes coréens actifs en France.

Salle Peinture
Section 14 du musée Cernuschi
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris

Accès gratuit dans les collections permanentes

L’art coréen contemporain est aujourd’hui surtout connu en Europe grâce à la vogue du dansaekhwa, art abstrait qui prend son essor dans les années 1970. Si ce mouvement, dont le nom signifie "peinture monochrome", est loin de recouvrir la diversité des expressions artistiques en Corée, il est devenu le symbole d’une propension à l’épure et au goût de la matière effectivement répandue chez nombre de peintres coréens. Cette tendance est même devenue un trait identitaire reconnaissable chez de multiples artistes expatriés en France, parmi lesquels Yoon Hee, Lee Bae, Lee Jin Woo et Yoo Hye Sook.

Ceux-ci présentent en plus la caractéristique d’avoir opté pour le noir et blanc, qui introduit entre le motif et le fond un rapport similaire à celui observable dans la calligraphie. Malgré les bouleversements en Corée de la culture visuelle et des rapports à la culture classique, cette discipline, emblématique d’une certaine tradition, continue à irriguer les imaginaires des artistes.

Surtout connue comme sculptrice, Yoon Hee réalise également de nombreuses peintures. En 1997, elle abandonne le pastel tendre, qu’elle diluait dans un bac d’eau où reposait son support. Elle utilise dès lors un mélange de pigments noirs et de résine acrylique pour dessiner directement sur le papier. Le plus souvent, elle préfère toutefois le projeter sur ce dernier, pour provoquer des coulures, ou l’appliquer en masse épaisse d’où rayonnent ensuite de grands gestes. Ses peintures deviennent ainsi la traduction visuelle d’une performance, qu’elle considère comme sa véritable œuvre d’art.

Depuis les années 1990, Lee Bae explore les potentialités plastiques du charbon. À partir de la fin de cette décennie, il entame, en parallèle d’autres créations qui en mettent en valeur la texture et la fragilité une fois réduit en poudre, une série d’œuvres intitulée Issu du feu. Dans ces compositions, il colle des morceaux de charbon sur toute la surface de son support et les ponce jusqu’à ce que leur poussière, mêlée au médium acrylique, remplisse complètement les interstices de la composition et souligne, par sa tonalité mate, les irisations chatoyantes des morceaux de carbone polis.

L’emploi du charbon ravive chez Lee Bae le souvenir de sa Corée natale, où il en est fait un usage à la fois courant et symbolique. En outre, ce matériau lui paraît relever du même univers que l’encre de Chine, obtenue à partir de la suie. Lee Bae opte rapidement pour une mise en œuvre qui prend principalement appui sur la force d’évocation du charbon et les effets de matière. Les toiles abstraites qu’il réalise à partir de la seconde moitié des années 1990 se caractérisent ainsi par de simples formes géométriques noires qui se détachent en relief sur un fond blanc.

L’intuition d’une homologie entre son activité créatrice et des processus cosmologiques pousse Lee Jin Woo à ne travailler qu’avec des matériaux qu’il considère comme naturels, mais aussi comme caractéristiques de sa patrie : le charbon et le papier hanji. Sur un support constitué par de multiples couches de hanji, devenues totalement rigides, Lee Jin Woo colle des morceaux de charbon, qu’il use ensuite progressivement au moyen d’une brosse métallique. Une fois la surface arasée, il rajoute du charbon et du papier et reprend son activité laborieuse de texturation.

Le travail de Yoo Hye-Sook est avant tout basé sur une pratique obsessionnelle du dessin. Après un travail dédié à la représentation hyperréaliste de cacahuètes, elle commence, en l’an 2000, à représenter des nattes de cheveux. Si leur masse est peinte à l’acrylique noir sur fond blanc, c’est un patient travail au crayon qui en restitue le volume et la texture. Ces chevelures sont déclinées en de multiples compositions, notamment dans une série de représentations de têtes féminines vues de dos et dont la présence imposante est adoucie par les reflets des traits de graphite.

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