À partir du 19 mai et jusqu'au 12 septembre 2021, explorez l'Indochine de l’artiste André Maire (1898-1984) en salle Peinture, à l'occasion de cet accrochage consacré à l'une des quatre aires culturelles asiatiques majeures du musée Cernuschi : le Vietnam.

Salle Peinture
Section 14 du musée Cernuschi
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris

Accès gratuit dans les collections permanentes

En 2019, Mme Lorédana Harscoët-Maire, fille de l’artiste André Maire (1898-1984), a fait généreusement don d’un ensemble de vingt-sept dessins issus du fonds d’atelier de son père. Ces dessins datent du second séjour d’André Maire au Vietnam, entre 1948 et 1958.

André Maire, né à Paris en 1898, se forme à l’école d’art de la place des Vosges où il rencontre en 1914 Emile Bernard, le père du symbolisme, qui deviendra son beau-père en 1922. Sur ses conseils, André Maire s’engage dans l’infanterie coloniale pour voyager et se confronter à d’autres sujets.

Son premier voyage sera Saigon de 1919 à 1920. Il y enseigne le dessin par intermittence au lycée Chasseloup-Laubat. Il découvre les ruines d’Angkor et se forge peu à peu son propre vocabulaire stylistique.

Après avoir vécu à Venise, en Espagne, en Egypte, aux Indes et en Afrique, André Maire est nommé professeur de dessin à l’Ecole Supérieure d’Architecture en 1948, installée à Dalat jusqu’en 1950, puis déplacée à Saigon. Il retourne donc dans l’ancienne Indochine, désormais déchirée entre les gouvernements du Sud et du Nord. Il restera jusqu’en 1958 en République du Sud Vietnam avant de rentrer en France. Du sud, il lui fut possible de voyager régulièrement au Laos et au Cambodge.

La ville de Dalat fut bâtie par les Français au début du XXe siècle. Juchée à 1500 m d’altitude, sur les hauts plateaux du centre-sud du Vietnam, elle jouit d’un climat tempéré toute l’année. Dans ses dessins à la sanguine, André Maire souligne sa diversité culturelle : à côté de l’hôpital français, le nouveau temple bouddhique de Linh Sơn, fondé en 1938, témoigne de l’installation croissante des Vietnamiens des plaines, bouddhistes, dans ce territoire occupé à l’origine par les ethnies montagnardes, de langue mon-khmer. On reconnaît les tissages traditionnels à bandes horizontales et la coiffure en chignon des Êđê et des Giarai.

Lors de son second séjour indochinois, André Maire produit des gouaches très colorées, quelques peintures à l’huile, de nombreux croquis et de grands dessins aux compositions abouties. On sent sous son trait la solide maîtrise d’un enseignement classique, ainsi que la culture visuelle occidentale allant de pair avec sa formation parisienne. On perçoit l’influence d’Emile Bernard qui, après avoir établi les fondements du symbolisme, s’était ensuite définitivement éloigné des avant-gardes. André Maire ne sera d’aucun mouvement et restera fidèle à une vision classique de l’art.

Pour autant, à la différence de certains artistes français ayant peint l’Indochine dans un style orientaliste un peu conventionnel, il invente un style propre qui lui permet d’exprimer son émotion face aux paysages, aux habitants, au patrimoine de ces régions.

Ses grands dessins à la craie noire rehaussés de touches de sanguine et de brun transmettent son admiration face au génie de ces architectes et sculpteurs de civilisations anciennes. La présence écrasante du grand bouddha se conjugue à la démesure d’un vénérable banian, en semblant veiller sur une minuscule humanité de points colorés : moines, cornacs au loin.

À partir de 1950, André Maire réside à Saigon car l’Ecole Supérieure d’Architecture y déménage. Dans ses dessins, les montagnes, les forêts de pins et les tribus montagnardes aux vêtements colorés de Dalat cèdent leur place aux scènes de la vie des Kinh des plaines. Les Kinh, ou Việt, ethnie majoritaire du Vietnam, ont assimilé les apports de la culture chinoise depuis deux millénaires. Ils se sont installés sur la plaine littorale, en descendant du nord vers le sud, tout en repoussant les peuples autochtones vers les montagnes.

Les scènes où André Maire dépeint les ports et les campagnes du delta du Mékong révèlent des éléments culturels kinh, hérités de la Chine, comme l’architecture aux toits débordants du temple apparaissant dans Navire chargé de jarres ou encore les monuments funéraires portant des caractères chinois dans le Cimetière. D’autres détails témoignent du fonds de croyances animistes des Kinh : l’autel ménagé dans le tronc du grand banian dans Calfatage évoque le culte rendu au génie de l’arbre. Les yeux peints sur la proue du grand Navire chargé de jarres insufflent la vie au bateau et le protègent des écueils.

Le regard particulier d’André Maire sur les paysages d’Asie du Sud-Est, servi par une maîtrise éclatante du dessin, en révèle l’intérêt culturel et historique. La mise en scène de ses sujets les soumet à sa vision spirituelle et humaniste.

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