Du 14 avril au 30 juillet 2023, le musée Cernuschi présentera une exposition inédite de céramiques et de peintures chinoises et japonaises, en hommage à l’historien de l’art et collectionneur Harley Preston. Le parcours, constitué de deux sections, proposera un dialogue entre d’une part les céramiques Song et la peinture du XXe siècle pour la Chine, et d’autre part la peinture Nihonga et la céramique Mingei pour le Japon.

Salles des expositions temporaires
Rez-de-chaussée du musée Cernuschi
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris

Du mardi au dimanche de 10h à 18h, sauf certains jours fériés
(fermeture des caisses à 17h30)

Accès gratuit

Le legs Harley Hall Preston

En 2018, Harley Preston, historien de l’art et collectionneur, a légué près de 200 objets au musée Cernuschi. Parmi d’autres centres d’intérêts, comme le dessin européen ou l’art de l’éventail, il avait constitué une collection d’art asiatique principalement consacrée à la céramique chinoise de la dynastie Song (960-1279), à la céramique japonaise du mouvement Mingei ainsi qu’à la peinture chinoise du XXe siècle.

Pour rendre hommage à Harley Preston, à son ouverture d’esprit et à sa curiosité pour différentes formes d’art, cette exposition s’est affranchie du cadre historique qui régit habituellement les présentations muséales pour adopter le point de vue du collectionneur. Ainsi le dialogue entre céramiques et peintures proposé par le musée Cernuschi rapproche, d’une part, les céramiques Song et la peinture du XXe siècle pour la Chine, et, d’autre part, la peinture Nihonga et la céramique Mingei pour le Japon.

D’autres acquisitions récentes complètent cette contribution majeure à l’enrichissement des collections du musée, comme les estampes Shinhanga du legs Paul Tavernier ou encore la magnifique série de peintures représentant les douze mois de Watanabe Seitei, acquise par la Ville de Paris pour accompagner la rénovation du parcours des collections permanentes inauguré en 2020.

 

Première Partie : AUTOUR DES COLLECTIONS CHINOISES

 

Les Song, un âge d’or de la céramique chinoise

Le legs Preston compte près d’une soixantaine de céramiques chinoises, dont la datation s’étale du Ve au XIXe siècle. Il constitue la plus importante acquisition du musée Cernuschi dans ce domaine depuis les années 1970. Le cœur de cette collection est concentré sur la période allant de la période des Song du Nord (960-1127) à la fin des Jin (1115-1234).

Sous les Song, la prospérité économique, fondée sur l’agriculture, s’accompagne du développement de la production artisanale destinée, notamment, à une nouvelle clientèle urbaine. La céramique connaît un véritable âge d’or.

Le perfectionnement des fours, dont beaucoup, en Chine du Nord, sont alimentés au charbon, autorise une production d’une qualité unique à cette époque. La multiplication des centres de production aboutit à une richesse inégalée des couleurs, des formes et des types de décors dont témoigne la collection Preston. La plupart des principaux types de céramique y sont en effet représentés : grès à couverte céladon de Yue et de Yaozhou, grès à couverte de type Jun, porcelaines qingbai 青白 du Jiangxi, grès à couverte sombre de Jian et de Jizhou, grès Cizhou de Chine du Nord.

 

Les genres du paysage et de la peinture de fleurs et oiseaux au XXe siècle

Le legs Preston comprend un ensemble cohérent de peintures chinoises, réalisées par vingt-quatre artistes entre les années 1960 et les années 1990. Ce fonds est consacré exclusivement à deux genres : le paysage ou les fleurs et oiseaux. Il regroupe près de trois générations d’artistes, nés pour la plupart entre 1900 et 1950. Il contient ainsi des œuvres de la main d’artistes comme Wang Yachen 汪亞塵 (1893-1983) ou Xie Zhiguang 謝之光 (1900-1970), qui se sont fait connaître pendant la première moitié du XXe siècle.

Parallèlement il compte de nombreuses œuvres d’artistes plus jeunes, dont l’activité est marquée par les expérimentations qui caractérisent les années 1980 et 1990. Certains reformulent la peinture de paysage au moyen de lignes naïves et de compositions déstructurées ou minimalistes, qui tranchent avec le rendu héroïque qui caractérisait majoritairement ce type de sujet pendant les années 1950 et 1960.

Si de nombreux peintres s’efforcent également de renouveler le genre des fleurs et oiseaux, ils le font souvent en s’appuyant sur l’œuvre des maîtres du début du siècle. Néanmoins l’usage généreux des lavis et la palette élargie constituent quelques-uns des signes qui caractérisent ce nouvel âge de la peinture à l’encre.

 

 

deuxième partie : autour des collections japonaises

 

La peinture Nihonga et les estampes Shinhanga

Forgé à la fin du XIXe siècle, le terme Nihonga ("peinture japonaise") désigne un mouvement pictural de style traditionnel, né en opposition de celui du Yōga, qui repose sur un choix de thèmes et de techniques issus du modèle occidental.

Le style du Nihonga est caractérisé par l’emploi de matériaux spécifiques et de procédés techniques, qui ont évolué pendant plus de mille ans. Les peintres japonais continuent à les appliquer aujourd’hui, parfois de manière très personnelle, comme le montre le paysage de Kugimachi Akira (né en 1968) présenté dans cette exposition.

Quant aux matériaux employés, en plus de l'encre de Chine (sumi) et du gofun, un pigment obtenu à partir de coquillages pulvérisés, les artistes Nihonga se servent de colorants d’origine végétale ou animale (senryō) et de pigments minéraux (iwaenogu). Ils s’occupent eux-mêmes de la préparation du support, papier ou soie, en le recouvrant d’une mixture d’alun, de colle animale (nikawa) et d’eau, qui permet de réguler le degré d’absorption de l’encre et des couleurs.

Le mouvement Shinhanga ("nouvelle estampe"), qui doit son origine à l’éditeur Watanabe Shōzaburō (1885-1962), est considéré avec le Sōsaku hanga ("estampe créative") comme l’un des deux courants majeurs du XXe siècle, visant à donner un nouveau souffle à l’art de la gravure japonaise. Ce dernier avait, à la fin du XIXe siècle, traversé une crise sans précédent.

 

Le mouvement Mingei

Le mouvement Mingei (Mingei undō), fondé par le philosophe, écrivain et collectionneur Yanagi Sōetsu (1889-1961), a redonné une nouvelle dimension à l’artisanat populaire japonais au début du XXe siècle. 

Le terme Mingei (de minshu, "peuple", et kōgei, "artisanat"), forgé par Yanagi et les potiers Kawai Kanjirō (1890-1966) et Hamada Shōji (1894-1978), est à l’origine de ce mouvement, qui a mis à l’honneur la beauté des objets modestes et solides du quotidien, réalisés par des artisans anonymes.

Hamada Shōji et son élève Shimaoka Tatsuzō (1919-2007), tous les deux élevés au rang de "Trésor national vivant", comptent parmi les représentants majeurs du mouvement Mingei.

Le style du premier, marqué par une quête profonde de liberté et de spiritualité, porte toujours sur l’irrégulier et l’imperfection, comme l’attestent les céramiques exposées ce printemps au musée Cernuschi. Quant à Shimaoka, il parvient à créer un style original, plein de finesse et de grâce, distillé à partir du riche héritage de son maître.

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