Felice Beato et le Japon, Photographies de la collection Cernuschi
26 September to 17 December 2023
Préfigurant l'exposition rétrospective Retour d'Asie - Henri Cernuschi, un collectionneur au temps du japonisme, la salle Peinture accueille à partir du 26 septembre 2023 un accrochage consacré aux photographies du Japon par Felice Beato (1832-1909), issues du fonds Cernuschi.
Salle Peinture
Section 14 du musée Cernuschi
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris
Accès gratuit dans les collections permanentes
Lorsque Henri Cernuschi (1821-1896) part réaliser son voyage en 1871 en compagnie de son ami Théodore Duret (1838-1927), le Japon est la première étape de leurs pérégrinations en Asie avant de rejoindre la Chine. Outre ses collections de bronzes et de céramiques, il aurait ramené ces photographies, présentées actuellement sur de grandes planches cartonnées, qui nous emmènent sur les pas de Cernuschi et Duret au Japon, de Yokohama en passant à Edo (actuelle Tōkyō), puis Kyōto et Ōsaka.
Tous les tirages présentés dans cet accrochage sont issus des deux albums photographiques que Beato propose à la vente en 1868 : Native Types et Views of Japan. Ces albums, présentent pour le premier des portraits de japonais et pour le deuxième différents paysages et monuments importants. Ils étaient composés d’un nombre de photographies variable afin de s’adapter aux différentes bourses. Il est à noter que Beato est le premier à proposer ce format au Japon – où les tirages étaient jusqu’alors principalement vendus à l’unité aux touristes venant à Yokohama.
En raison de la fragilité des photographies du XIXe siècle réalisées sur papier albuminé – celles-ci jaunissent et s’effacent lorsque exposées trop longtemps à la lumière –, il est proposé ici une sélection de fac-similés réalisés d’après la collection du musée.
Felice Beato (1832-1909)
Felice Beato est un photographe italien, naturalisé anglais, connu pour ses clichés de guerre. Ainsi, il assiste d’abord son beau-frère James Robertson (1813-1888) à Constantinople et Sébastopol en Crimée, avant de se rendre en Inde en 1858 et en Chine en 1860. Il est alors particulièrement réputé pour sa technicité et la rapidité avec laquelle il travaille.
En 1863, il rejoint l’artiste Charles Wirgman (1832-1891) – peut-être rencontré à Hong Kong – à Yokohama, et fonde avec lui son premier studio photographique japonais. La même année, ils suivent le diplomate suisse Aimé Humbert (1819-1900) envoyé sur place pour négocier un traité, ce qui leur permet de se rendre à la capitale Edo. De même, ils se joignent à l’expédition punitive de Shimonoseki de 1864 ; les bonnes relations de Beato avec les militaires leur permettent ainsi de se rendre dans des lieux inaccessibles aux étrangers à cette période.
Le 26 novembre 1866, lors de l'incendie qui détruit une grande partie de Yokohama, Beato perd son studio et ses négatifs. Il reconstitue néanmoins son fond les deux années suivantes, n’hésitant pas à fournir en matériel et conseils les photographes amateurs, en échange des tirages qu’ils auront réalisés.
Il part en 1871 couvrir l’expédition américaine de Corée afin d’ouvrir de nouveaux ports commerciaux. Il se désintéresse néanmoins progressivement de la photographie par la suite et vend son studio au baron Raimund von Stillfried (1839-1911) en 1877. Suite à l’échec de ses nouvelles activités, il reprend son métier de photographe, quittant le Japon pour le Soudan, puis la Birmanie jusqu’en 1902.
Par la suite, il semble s’être définitivement retiré de la profession et part pour l’Italie, où il s’éteint 7 ans plus tard à Florence en 1909.
Le Japon au temps de Beato
Le Japon de la période Edo (1615-1868), dirigé par le clan des Tokugawa résidant à Edo avec à sa tête le Shōgun – reléguant l’empereur (Mikado) à un rôle symbolique dans l’ancienne capitale, Kyōto – est régit par un système militaire féodal.
En 1858, les occidentaux obtiennent l’ouverture de plusieurs ports – Edo, Kobe, Nagasaki, Niigata et Yokohama - dans un but commercial mais également politique. La capitale reste néanmoins accessible uniquement aux délégations politiques, Beato y accède grâce à Aimé Humbert en 1863 qui utilise son statut d’ambassadeur pour visiter différentes villes (Yokohama, Kamakura, Kyōto) en suivant la route du Tōkaidō. Il les décrit dans le récit de son voyage qu’il publie dès 1868 et dont certaines gravures sont réalisées d’après des clichés de Beato.
Toutefois les restrictions de circulations dans le pays pour les étrangers et l’hostilité de groupes locaux contraignent Beato à rester la plupart du temps à Yokohama, cité portuaire aménagée pour y accueillir les occidentaux. Celui-ci y réalise de nombreux clichés de japonais dans leurs activités, souvent mis en scène par des reconstitutions montées dans son studio. Il photographie des métiers et des classes sociales voués à disparaître ou évoluer dans les années à venir.
En effet, les années 1860 sont marquées par de profonds changements sociaux, alimentés par la présence coloniale et des guerres civiles opposant les partisans du Shōgun et du Mikado. Le shogunat des Tokugawa prend fin en 1868. L’empereur reprend le pouvoir, le pays s’ouvre officiellement aux échanges extérieurs et met en place avec succès une politique de modernisation industrielle calquée sur celle de l’Occident, marquant ainsi le début de l’ère Meiji (1868-1912).
Portraits coloriés du Japon
Dans son studio de Yokohama, Beato reproduit, à travers des portraits, des scènes de la vie du quotidien, différents corps de métiers et classes sociales, dont certains, comme les samouraïs sont amenés à disparaître progressivement.
Si Beato commence à faire colorier ses scènes de genre par des peintres vers 1868, ses paysages sont plus rarement mis en couleurs. Les pigments, appliqués par à-plats, permettent de faire ressortir les vêtements et leurs motifs, les éléments de la coiffure ainsi que certains objets de la composition. De légères touches de couleurs aux lèvres et sur les joues viennent donner vie aux personnages.
Une étude des pigments a révélé qu’il s’agit des mêmes que ceux employés traditionnellement dans la peinture japonaise. L’effet visuel diffère toutefois des peintures sur papier en raison du support photographique, qui fait paraître les couleurs moins vives.
Poursuivez votre voyage en Asie sur les traces de Henri Cernuschi dès le 6 octobre 2023, avec l'exposition Retour d'Asie - Henri Cernuschi, un collectionneur au temps du japonisme :