Hàm Nghi, Cap Caxine (Alger)

Hàm, Nghi, né en 1871 à Hué, décédé en 1944 à El Biar

En 1915
Peinture à l'huile, Toile (matériau)
Peinture
Signé 春子 et daté 1915
Don manuel

M.C. 2020-26

Hàm Nghi est le huitième empereur de la dynastie des Nguyễn. Il régnait depuis moins d’un an lorsqu’il fut contraint à fuir la cour en juillet 1885 sous l’assaut des troupes françaises. L’insurrection du côté de l’empire d’Annam avait été menée par les régents Tôn Thất Thuyết et Nguyễn Văn Tường qui détenaient réellement le pouvoir. Tôn Thất Thuyết emmena le jeune empereur Hàm Nghi, âgé alors de quatorze ans, se cacher dans les confins du pays. Il l’érigea en figure de la résistance contre l’occupation française, image qui lui reste encore attachée aujourd’hui dans la mémoire des Vietnamiens. Après trois ans et demi d’une vie difficile, à l’âge de dix-sept ans, l’empereur déchu est capturé par les Français. Il est alors exilé à Alger et ne reverra plus jamais son pays natal.

À Alger, il bénéficie d’une pension du gouvernement et mène une vie confortable, tout en étant étroitement surveillé. Il apprend le français et s’adonne à la lecture, au dessin et à la peinture. Il est autorisé ponctuellement à se rendre en métropole où il visite les salons et les galeries d’art. Très proche de Judith Gauthier, il admire aussi Rodin auprès duquel il prendra des leçons de sculpture.

Peu soucieux de s’inscrire dans les courants artistiques de son époque, Hàm Nghi pratiqua néanmoins la peinture et la sculpture avec une authentique ferveur. Profondément ému face à la beauté de la nature, ses paysages, bien souvent vides de tout personnage, reflètent son état mélancolique. La sensibilité aigüe de Hàm Nghi et une forme d’acceptation de sa condition transparaissent dans l’impression de calme qui émane de ses toiles.

Il ne cherchait pas la reconnaissance publique et on ne lui connaît que trois expositions de ses œuvres. Cette marine de la côte algéroise fut exposée du 15 au 27 novembre 1926 lors d’une rétrospective que la galerie Mantelet-Colette Weil lui consacra.

Signée "春子", « Fils du printemps » en bas à droite, cette vue du cap Caxine a été réalisée sur le motif, comme l’indiquent les trous de taquet aux quatre angles. La composition tripartite, rochers, eau, ciel, occupant chacun un tiers de la surface, est fréquente chez Hàm Nghi. Ces trois éléments sont traités de manière différenciée : le ciel est brossé au moyen de touches verticales tandis que le mouvement des vagues est rendu par des touches orientées, à la manière d’un Van Gogh assagi. Les rochers rappellent la manière synthétique de l’école de Pont-Aven et des Nabis. Les formes sont simplifiées, les ocres et oranges vifs sont soulignés par des arêtes bleu dur. L’écume est audacieusement rendue par de forts empâtements blancs. À l’horizon, le cap gris bleuté se détache sur le ciel clair dégradé. L’artiste s’approprie ici divers éléments empruntés à des mouvements picturaux apparus un quart de siècle auparavant et les synthétise dans une composition vibrante et équilibrée.

Référence(s) : Anne Fort, Hàm Nghi, prince d'Annam (1871-1944) : L'art en exil, Milan, Silvana Editoriale, 2022, p. 53
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