Hàm Nghi, Villa à Mustapha

Hàm, Nghi, né en 1871 à Hué, décédé en 1944 à El Biar

En 1904
Pastel, Papier
Dessin
Signé 春子 et daté 1904
Don manuel

M.C. 2020-24

Hàm Nghi est le huitième empereur de la dynastie des Nguyễn. Il régnait depuis moins d’un an lorsqu’il fut contraint à fuir la cour en juillet 1885 sous l’assaut des troupes françaises. L’insurrection du côté de l’empire d’Annam avait été menée par les régents Tôn Thất Thuyết et Nguyễn Văn Tường qui détenaient réellement le pouvoir. Tôn Thất Thuyết emmena le jeune empereur Hàm Nghi, âgé alors de quatorze ans, se cacher dans les confins du pays. Il l’érigea en figure de la résistance contre l’occupation française, image qui lui reste encore attachée aujourd’hui dans la mémoire des Vietnamiens. Après trois ans et demi d’une vie difficile, à l’âge de dix-sept ans, l’empereur déchu est capturé par les Français. Il est alors exilé à Alger et ne reverra plus jamais son pays natal.

À Alger, il bénéficie d’une pension du gouvernement et mène une vie confortable, tout en étant étroitement surveillé. Il apprend le français et s’adonne à la lecture, au dessin et à la peinture. Il est autorisé ponctuellement à se rendre en métropole où il visite les salons et les galeries d’art. Très proche de Judith Gauthier, il admire aussi Rodin auprès duquel il prendra des leçons de sculpture.

Peu soucieux de s’inscrire dans les courants artistiques de son époque, Hàm Nghi pratiqua néanmoins la peinture et la sculpture avec une authentique ferveur. Profondément ému face à la beauté de la nature, ses paysages, bien souvent vides de tout personnage, reflètent son état mélancolique. La sensibilité aigüe de Hàm Nghi et une forme d’acceptation de sa condition transparaissent dans l’impression de calme qui émane de ses toiles.

Il ne cherchait pas la reconnaissance publique et on ne lui connaît que trois expositions de ses œuvres. Ce pastel fut exposé en juin 1904 au musée Guimet, parmi neuf autres dessins. Il fut à nouveau montré au public du 15 au 27 novembre 1926 lors d’une rétrospective que la galerie Mantelet-Colette Weil lui consacra.

Signée "春子", « Fils du printemps », cette Villa à Mustapha constitue avec un autre pastel, Route de Mustapha, au sujet similaire mais à la vue plus éloignée, le premier exemple de série, principe que Hàm Nghi emploiera de manière récurrente afin de transcrire les effets de la lumière sur un même motif à différents moments de la journée. Les séries de Claude Monet (1840-1926), l’ont sans doute inspiré. La luminosité crayeuse du ciel est renforcée par l’emploi d’un papier brun qui transparaît sous les pigments. La masse sombre des arbres marque la limite avec le ciel dont l’effet éblouissant est renforcé par un cerne ocre soulignant la cime des arbres et le toit de la villa. Le pré au premier plan présente des aplats estompés rehaussés de traits évoquant la direction des herbes. L’ombre est refouillée de traits bleu dur évoquant le frémissement du feuillage parmi les masses sombres et imprimant une ondulation aux herbes du premier plan.

Référence(s) : Anne Fort, Hàm Nghi, prince d'Annam (1871-1944) : L'art en exil, Milan, Silvana Editoriale, 2022, p. 52