Kawanabe Kyōsai, Grenouilles
Encre et pigments sur papier
H. 108,8 cm ; L. 32,6 cm
M.C. 2019-2, achat
Esprit libre et insolent, Kawanabe Kyōsai vécut à une période de transition entre la fin de l’époque d’Edo (1603-1868) et le début de l’ère Meiji (1868-1912), où le gouvernement des Tokugawa céda le pouvoir à l’empereur engagé dans la formation d’un État moderne. Kyōsai commença sa formation à l’âge de sept ans avec l’artiste excentrique Utagawa Kuniyoshi (1798-1861) pour entrer ensuite dans un atelier de la branche Surugadai de l’école de peinture officielle Kanō. Artiste prolifique, Kyōsai réalisa des peintures et dessina les motifs pour des estampes ; il se consacra également aux manuels de dessins et aux livres illustrés. Il devint célèbre pour ses caricatures et fut très apprécié par des amateurs occidentaux comme Émile Guimet, qui le rencontra lors de son voyage au Japon avec l’artiste Félix Régamey ou le médecin anglais William Anderson, qui lui commanda plusieurs œuvres satiriques faisant partie aujourd’hui de la collection du British Museum. Au cours de sa vie dissolue, marquée par son goût pour l’alcool et sa satire mordante qui lui valut la prison, il fut un observateur aigu du Japon de son temps dont il saisit les changements liés à l’occidentalisation et à la modernisation. Décédé à l’âge de cinquante-neuf ans, Kyōsai choisit une pierre en forme de grenouille pour son tombeau.
Cette peinture représente une grenouille qui tire un pousse-pousse (jinrikisha) avec une autre grenouille portant un chapeau en forme de fleur de lotus et une canne en forme de tige de lotus. Moyen de locomotion inventé au Japon dans la seconde moitié du XIXe siècle, le pousse-pousse est représenté par l’artiste de manière très originale avec les rues formées de feuilles de lotus. Sur la droite, une logue et mince tige de lotus sert de pilier pour le fil télégraphique, nouveau moyen de communication de l’ère Meiji. Comme ce dernier, la figure du facteur personnifié par la troisième grenouille, est un symbole de modernité. Pour Kyōsai, qui aurait dessiné pour la première fois une grenouille à l’âge de trois ans, cet animal est sacré et, comme la fleur de lotus, est lié au bouddhisme.