Jarre à décor de barque et paons

Les jarres bicolores à décor champlevé sont caractéristiques d’un nouveau type de céramiques qui apparaissent probablement à la fin du XII^e siècle et dont la production et l’usage s’étendent du XIII^e au XIV^e siècle dans les familles aisées du nord du Vietnam. Elles servaient à stocker l’alcool, les céréales ou les denrées en saumure. Elles ont été trouvées le plus souvent en contexte funéraire où elles étaient placées à proximité du cercueil de bois, dans une fosse à même la terre. Elles n’étaient pas conçues comme des objets funéraires mais comme des jarres d’usage quotidien, même si leur facture et leur décor soignés leur confèrent un caractère précieux indéniable. Dans un second temps, elles ont pu connaître, pour les exemplaires parvenus jusqu’à nous, une destination funéraire.
La réalisation de ces pièces nécessite plusieurs étapes. Après avoir façonné la forme dans un grès clair, la jarre est séchée puis plongée dans un bain de couverte ivoire transparente. La couverte une fois sèche est grattée largement à l’endroit devant recevoir le décor. Les contours des motifs sont ensuite incisés dans la pâte laissée nue. Un engobe riche en oxyde de fer est passé au pinceau au cœur des zones incisées. Une bande de pâte nue, sans couverte, cerne chaque motif sombre qui ressort sur le fond crème satiné.
Ces jarres se distinguent par leurs formes amples et robustes et par la force des décors végétaux et animaux rapidement esquissés. Parmi les motifs souvent représentés, on trouve le plus fréquemment des lotus, mais aussi, sur les pièces plus rares des paons, des éléphants, des guerriers. Un couvercle qui, souvent, a été perdu fermait chaque jarre.

Cette jarre se démarque par sa grande taille et par son décor très rare : sur une face, une barque surmontée d’un pavillon est un précieux témoignage des embarcations de prestige en usage à l’époque. Elle rappelle les barges royales du Siam, de Thaïlande ou du Laos.
Le revers est orné de deux paons, ces oiseaux originaires du Vietnam dont le port altier et la beauté du plumage en faisaient des animaux recherchés pour l’ornement des jardins impériaux. Ils figuraient ainsi parmi les cadeaux précieux envoyés en tribut à l’empereur de Chine.