
Mai-Thu, Baignade
Couleurs sur soie marouflée sur carton
Don de Mai Lan Phuong en mémoire de ses parents, Sao et Mai Thứ, 2017
MC 2017-75
Mai Trung Thứ [枚中栨] (1906 – 1980), de son nom d’artiste francisé en Mai-Thu, est issu d’une famille lettrée du nord du Vietnam. L’éminent statut de son père, Mai Trung Cát (1857-1942) gouverneur de la province de Bắc Ninh puis Grand Secrétaire de la Cour, lui permet de recevoir dans son enfance une instruction confucéenne, comprenant notamment l’écriture des caractères chinois. Puis il rejoint le lycée du Protectorat à Hanoï où l’instruction est donnée en français. En 1923, il entre à l’École des arts appliqués ou « École Professionnelle » de Hanoï, dirigée depuis 1919 par Gustave Hierholtz (1877-1954). Sous la direction de ce sculpteur diplômé des Arts décoratif de Paris, Mai-Thu acquiert un bon niveau en dessin qui lui permet d’être admis lors du premier concours d’entrée à l’École des beaux-arts de l’Indochine en 1925. Diplômé en 1930, il obtient ensuite un poste de professeur de dessin au lycée Khải Định de Huê, de 1931 à 1937. C’est à cette époque, au cœur de la capitale impériale, conservatoire des rites anciens, que Mai-Thu étudie la musique traditionnelle. Musicien renommé, multi-instrumentiste, il en poursuivra toute sa vie la pratique. Pendant sa période indochinoise, de 1925 à 1937, il est reconnu pour exceller à la peinture à l’huile.
Se sentant attiré par l’effervescence de la vie artistique parisienne, il demande un congé et obtient une bourse qui lui permet de se rendre à l’Exposition internationale organisée à Paris en 1937. Il quitte alors le Vietnam et rejoint ses camarades, les artistes Lê Phô et Vu Cao Dam, également diplômés de l’École des beaux-arts de l’Indochine. Tous les trois ont fait le choix de poursuivre leur carrière en France. Dès son installation à Paris, et pour le reste de sa vie, Mai-Thu privilégiera la peinture sur soie. Dans un style virtuose, faussement naïf, il s’attache à décrire un Vietnam idéalisé, semblant figé hors du temps, où évoluent des figures féminines à la grâce maniériste. Ses scènes de la vie quotidienne évoquent les plaisirs raffinés de la noblesse : une jeune femme lisant, se promenant, arrangeant des fleurs dans un vase, les jeux des enfants ou bien des musiciens, des poètes, des couples prenant le thé, une mariée se parant avant la cérémonie.
Baignade est une œuvre caractéristique de la maturité de Mai-Thu. La composition rigoureuse et équilibrée mêle un double point de vue : les enfants sont représentés selon un point de vue de hauteur moyenne et le fond est vu en plongée, entrainant une disparition de la ligne d’horizon au-delà de la bordure supérieure du cadre. L’étagement des personnages sur la surface de la toile renvoie à la peinture narrative traditionnelle extrême-orientale en insufflant une impression de vénérable ancienneté. L’effet décoratif est renforcé par le cadre original réalisé par l’artiste lui-même qui, à partir des années 1950, patine ses baguettes pour obtenir un effet laqué et embellit ses passe-partout de motifs issus du répertoire décoratif sino-vietnamien. Pour Mai-Thu, l’encadrement est indispensable et participe de l’effet esthétique de l’œuvre. Mai-Thu se place ainsi volontairement dans le prolongement d’une tradition extrême-orientale, tout en la renouvelant par ses thèmes empreints d’une grande douceur et par son style tout en délicatesse et en retenue.