Yin Rongsheng, "Saisir la victoire dans tout le pays – Le président Mao avec ses cadres"

YIN Rongsheng 尹戎生 (1932-1995)
Saisir la victoire dans tout le pays - Le président Mao avec ses cadres (esquisse), 1980
Gouache
H.46,2 cm ; L.67,6 cm
Don Montres DeWitt SA et Galerie Hadrien de Montferrand, 2013

M.C. 2013-21

Yin Rongsheng s’inscrit dans une tradition artistique qui trouve sa formalisation dans une intervention de Mao Zedong lors des Causeries sur la littérature et sur l’art de Yan’an en 1942. Celui-ci réclame alors l’effacement de l’individualité artistique et des buts plastiques au profit d’objectifs idéologiques. Le style retenu et encouragé par le parti devient celui du Réalisme soviétique, dont l’Académie centrale des Beaux-Arts de Pékin est l’un des principaux lieux de diffusion tout au long des années 1950.
Yin Rongsheng, qui est diplômé de cette académie en 1954 et y enseigne jusqu’en 1994, reste durablement marqué par cette influence et par la nécessité d’une d’adaptation permanente du contenu de ses œuvres aux exigences politiques. Ainsi, il fait notamment partie des artistes qui reçoivent des commandes de Luo Gongliu en 1961 pour commémorer les dix ans de la République populaire de Chine. Avec l’ouverture de la Chine dans les années 1980, il obtient une bourse pour étudier à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris et conquiert une nouvelle reconnaissance dans son pays grâce à ses ouvrages sur les peintures conservées au Louvre et à Orsay.
En 1977, juste après la mort de Mao, un certain nombre de cadres tombés en disgrâce se voient réhabilités. Yin Rongsheng entreprend alors de représenter une réunion fictive entre ces personnages et Mao Zedong, toujours source majeure de légitimité. Il offre le tableau au Musée national de Chine et celui-ci est reproduit à des fins de propagande. Peu après, le Musée militaire révolutionnaire du peuple chinois lui passe commande d’une seconde version de cette œuvre afin d’y intégrer d’autres figures récemment réhabilitées.  Sont notamment rajoutés Peng Dehuai et surtout Liu Shaoqi, réhabilité en 1980 et figure exemplaire des victimes de la Révolution culturelle.
Yin Rongsheng utilise des posters, reproduisant son œuvre de 1977 et retravaillés à la gouache, pour élaborer sa nouvelle composition. On y voit notamment le travail effectué  pour insérer la figure de Peng Dehuai, ses hésitations sur la place à lui accorder ainsi qu’une mise au carreau de l’œuvre en vue de sa transposition.
Ce travail est emblématique d‘une production artistique extrêmement contrôlée par le pouvoir central et de la manière dont les artistes accompagnaient les moindres changements idéologiques du régime. Il prouve aussi que la libération artistique post-maoïste n’a pas constitué un mouvement homogène et que les vieilles générations, formées dans les années 1950 et 1960, ont fait perdurer les modèles élaborés trente ans plus tôt, ce qui explique l’existence aujourd’hui d’un art officiel dérivé en droite ligne de cette peinture révolutionnaire.

Référence(s) : Shimizu, Christine, "Activités du musée Cernuschi", Arts asiatiques, 2014, Tome 69, pp.163-164
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