Zhang Daqian, Gibbon d'après Li Sheng
Gibbon d'après Li Sheng, 1945
Encre et couleurs sur papier
H.161,9 ; L.79,6 cm
Don Guo Youshou, 1953
M.C. 8711
Inscription et signature : 瑟瑟煙空按暗夏明,紫崖果上月痕生。深宵忽聽霜林響,知是蒼猿拗樹聲。乙西年六月避暑昭覺寺临元人李升本。弘丘子爰
Traduction : Tout doucement les brumes s’évanouissent et l’ombre fait place à la clarté,
Sur les falaises pourpres, à l’Est, perce un rayon de lune.
Dans la nuit profonde, soudain, on entend un son dans la forêt glacée,
Je sais que c’est le bruit des arbres qui ploient sous le gibbon gris.
Au sixième mois de l’année Yiyou [1945], j’ai passé l’été au temple Zhaojue [de Chengdu] où j’ai réalisé cette copie d’après Li Sheng des Yuan, Hongqiu
"De tous les animaux du monde, le gibbon est l’animal le plus fin, le plus doué de sentiments, mais aussi le plus facile à blesser dans ses sentiments." Cette opinion de Zhang Daqian consignée dans ses écrits trahit son admiration pour l’indépendance du gibbon. Il semble que le peintre ait vu dans cet animal un être insoumis, auquel il se plaisait à s’identifier. En effet, peu de temps avant la naissance de Zhang Daqian, sa mère avait rêvé qu’un moine lui offrait un gibbon en présent, et considéré ce geste comme un signe. Il fut plus tard surnommé Zhang Yuan, ou Zhang le gibbon, en souvenir de ce songe. L’œuvre peinte de Zhang Daqian confirme son intérêt pour ces grands singes. Dès 1934, il réalisa deux versions d’un gibbon endormi, qu’il signa du nom de Liang Kai (XIIIe siècle). Ces faux manifestent une connaissance précise des peintures anciennes de gibbons conservées au Japon, en particulier des œuvres de Muqi (XIIIe siècle). Il est établi que Zhang Daqian avait étendu ses investigations à d’autres représentations anciennes de gibbons entre 1934 et 1945, date à laquelle la peinture du musée Cernuschi fut réalisée. Il n’est donc pas surprenant que Zhang Daqian se réfère à Li Sheng (XVIe siècle), comme étant le modèle de cette peinture.
Si Zhang Daqian revendique l’héritage des anciens, l’influence des peintres contemporains, à commencer par celle de son frère Zhang Shanzi, qui réalisa également des peintures de gibbons, n’est pas à écarter. Ce dernier n’hésitait pas à élever les animaux qu’il représentait dans ses peintures, fussent-ils sauvages, comme les tigres qu’il abritait dans la résidence de Wangshi Yuan, où il vivait avec son frère Zhang Daqian à la fin des années 1930. Plus tard, Zhang Daqian devait à son tour élever des gibbons, complétant ainsi sa connaissance picturale de l’animal par une observation directe et un contact familier. La figure agile du gibbon est rendue avec une acuité singulière, qui diffère du rendu stylisé des peintures dans le style de Muqi. Cette évolution est la conséquence des recherches de Zhang Daqian pour s’approprier les techniques de la peinture gongbi qui datent du début des années 1940. Le rendu des grandes feuilles vertes témoigne de la maîtrise de ce style. Ce traitement minutieux contraste avec l’enchevêtrement complexe de branches et de lianes qui servent de point d’appui au gibbon. Le tracé cursif des branchages est en harmonie avec le rendu stylisé de la falaise et de la cascade.
Marie-Thérèse Bobot, Musée Cernuschi: collection des peintures et calligraphies chinoises contemporaines, collection du musée Cernuschi, Alençon : Imprimerie alençonnaise, 1985
René-Yvon Lefebvre d’Argencé, Chiang Dai-Chien, a Retrospective, San Francisco : Center of Asian Art and Culture, the Avery Brundage Collection, 1972