Période moderne et contemporaine
Le XIXe siècle fut marqué par la présence de plus en plus grande des Français à la cour. Leurs techniques modernes en matière de gestion et d’armement intéressaient les souverains de la dynastie Nguyễn, mais l’essor du catholicisme, favorisé depuis le XVIIe siècle par cette présence française, était perçu comme une menace pour le système confucéen. Prenant comme prétexte les répressions contre les Chrétiens, les incursions armées françaises ébranlèrent le pays à partir de 1858. En 1887, la domination française fut bien établie sur la péninsule indochinoise. Le Vietnam se composait alors de la colonie de la Cochinchine au sud, et du Protectorat de l’Annam et du Tonkin, au centre et au nord, où les empereurs Nguyễn étaient maintenus sous étroit contrôle des Français.
Pendant la première moitié du XXe siècle, différents leaders politiques cultivèrent le désir d’indépendance nationale tandis que, parallèlement, les idées marxistes progressaient. Dans le domaine artistique, la période française fut marquée par l’implantation d’un réseau d’écoles supérieures spécialisées destinées à former artistes et artisans. Les premières écoles fondées au tout début du XXe siècle, étaient orientées vers l’artisanat. Au nord, l’école professionnelle de Hanoï, fondée en 1902, proposaient deux sections. La première formait aux métiers de l’ébénisterie, de la ciselure, de la fonderie, de la mécanique et de l’électricité. La seconde dispensait un enseignement de sculpture, de broderie, d’orfèvrerie et de céramique.
Au sud, non loin de Saigon, l’école de Thủ Dầu Một, fondée en 1901, préparait aux métiers de l’ébénisterie et l’école de Biên Hòa, fondée en 1903, était spécialisée en céramique. À l’époque, certains préjugés bien ancrés dans la mentalité des administrateurs français refusaient aux Vietnamiens toute habilité artistique. Seul l’artisanat leur était accessible selon eux : un art d’imitation, certes, mais pas un art de création. Il fallut attendre 1913 pour qu’une première institution à l’orientation plus spécifiquement artistique soit créée : l’école de Gia Định fut alors fondée sous l’impulsion d’André Joyeux, architecte diplômé des Beaux-Arts de Paris, qui en fut son premier directeur. L’école joua dès lors le rôle de classe préparatoire avant la spécialisation dans l’une des trois écoles d’art appliqué de la région. Elle comportait une première année de formation générale basée sur l’enseignement du dessin à l’issue de laquelle les étudiants devaient choisir leur spécialisation pour un cursus de six années : Gia Định pour la décoration, la gravure ou la lithographie ; Biên- Hòa pour la céramique et la fonderie ; Thủ Dầu Một pour la sculpture sur bois, l’incrustation, la marqueterie et le laquage. Au nord, le peintre Victor Tardieu (1970-1937) s’associa au peintre Nam Sơn pour fonder l’École des beaux-arts de l’Indochine à Hanoï en 1925. L’enseignement, calqué sur le modèle de l’École des beaux-arts de Paris, visait à une synthèse entre les arts occidentaux et les traditions indochinoises afin de faire éclore un style nouveau, moderne, mais empreint d’un esprit local authentique. À la période coloniale et son art indochinois succèda l’art des temps de guerre. En 1940, les Japonais pénétrèrent au Vietnam. Après la défaite japonaise, le 2 septembre 1945, Hồ Chí Minh proclama l’indépendance de la République Démocratique du Vietnam. Mais la France reprit pied en Indochine dès octobre 1945. De décembre 1946 à l’été 1954, la guerre d’Indochine déchira le pays. Après la défaite de la France, le pays fut scindé en deux : le gouvernement communiste au nord (République démocratique du Vietnam) et le gouvernement nationaliste au sud (République du Vietnam). Au nord, la République démocratique du Vietnam imposa, en matière d’esthétisme, le réalisme socialiste et l’art de propagande inspiré de l’URSS et de la Chine. Autrefois à l’avant-garde de la scène artistique vietnamienne, Hanoï orchestrait désormais la censure : étaient frappés d’interdit le thème du nu, l’abstraction et le surréalisme, tandis que portraits, natures mortes et intérieurs pittoresques soulevaient la méfiance. Au sud, entre 1954 et 1975, la République du Vietnam n’avait pas été verrouillée comme avait pu l’être Hanoï à la même période. À cette époque, un style très influencés par les styles occidentaux de la période moderne, familier avec l’abstraction, le cubisme et le surréalisme, était au cœur des recherches artistiques dans un Saigon alors relativement indépendant et ouvert.
La guerre du Vietnam dura de 1959 à 1975. En 1965, les États-Unis envoyèrent leurs troupes à l’aide du gouvernement sudiste. Le gouvernement du sud fut défait par les troupes communistes. De nombreux Vietnamiens s’exilèrent par vagues successives. Le 2 juillet 1976, le pays fut enfin réunifié sous le nom de République socialiste du Vietnam, avec pour capitale Hanoï.
Les années 1980 virent la fin du dogmatisme du réalisme socialiste avec la politique du Đổi Mới, ou « Renouveau ». Les artistes, par un effet de balancier, rompirent violemment avec l’art de commande et se lancèrent dans d’effervescentes recherches où l’on peine à distinguer une voie principale. Ils reçurent enfin en bloc l’art occidental de Picasso à Warhol et assimilèrent avec beaucoup de retard réalisme, surréalisme, expressionnisme, Pop Art et minimalisme. Lassés des sujets politiques et de la propagande, ils développèrent des thèmes autrefois interdits - nus, autoportraits, paysages urbains, minorités ethniques - qui exaltent des valeurs plus individuelles et plus universelles. Cette « peinture du Renouveau », « hội họa Đổi Mới », fit entrer le Vietnam sur la scène de l'art international. Des expositions furent organisées à l’étranger, des collectionneurs étrangers affluèrent au Vietnam et des galeries fleurirent au début des années 1990 à Hanoï, Hué et Hô-Chi-Minh-Ville. Beaucoup d’artistes étaient alors indépendants et certains parvenaient à vivre de leur travail, même chichement.
À la fin des années 1990, l'effervescence première fit place au déclin de la peinture. Les galeries se transformèrent en magasins de souvenir, faute d'une clientèle locale exigeante. Aujourd’hui, sans soutien de l’État vietnamien à la création indépendante, l’art vietnamien contemporain trouve sa place en se conformant aux codes qui régissent les grandes manifestations internationales.